Les Cèpes et les Bolets
En saison, dans tout le sud-ouest et ailleurs en France, lorsque les cèpes montrent leurs chapeaux, les instincts de chasseur-cueilleur se réveillent. Les amateurs sont nombreux sur les lieux de récolte. Mais que faut-il entendre par cèpe ? est-ce une espèce unique ? plusieurs espèces ressemblantes ? quels sont les risques de se tromper et de s’intoxiquer ?
Cèpe ou bolet ?
« Boletus » était en latin le nom général de divers champignons, désignant aussi bien les Oronges que les espèces actuellement appelées « bolets ». Quant au mot « cèpe », il est dérivé de l’occitan « cep », provenant lui-même du latin « cippus » : comme en français, un cep est en occitan un pied de vigne au tronc court, surmonté de ses sarments, ici comparé au pied et au chapeau du champignon.
Aujourd’hui, « bolet » est le nom vernaculaire français de toute espèce de champignon qui ressemble au cèpe de Bordeaux : champignon charnu non coriace, avec pied central et chapeau, dont la surface fertile est formée de tubes juxtaposés.
Ainsi définis, les bolets appartiennent tous à la famille des Boletaceae, contenant le genre Boletus, dans lequel sont classés les « cèpes » proprement dits, et d’autres genres comme Suillus, Xerocomus, Leccinum, etc. Cette famille est elle-même incluse dans l’ordre des Boletales, avec d’autres familles comme les Paxillaceae et lesGomphidaceae.
Dans la réglementation de vente des champignons en France, ne peuvent être vendus sous le nom de « Cèpe » que le Cèpe de Bordeaux - Boletus edulis-, le Cèpe des pins - Boletus pinophilus-, le Cèpe bronzé - Boletus aereus-, le Cèpe d’été - Boletus aestivalis- et leurs variétés, ainsi que le Cèpe de Mâmora - Boletus mamorensis -, importé du Maroc, où il est inféodé au chêne-liège.
Ces espèces, recherchées pour leurs qualités gustatives depuis des temps immémoriaux, sont suffisamment bien tolérées par la plupart des consommateurs pour qu’elles puissent être consommées sans crainte et autorisées à la vente, sous le nom collectif de « cèpe ». La plupart des consommateurs - mais pas tous - les digèrent bien, du moins lorsqu’elles sont bien cuites.
Pour résumer, les cèpes sont des bolets bien précis du genre Boletus, mais tous les bolets du genre Boletus - et a fortiori les bolets classés dans d’autres genres de Boletaceae - ne sont pas des cèpes.
Les caractéristiques communes à tous les bolets
Dans le langage courant, le mot « champignon » désigne seulement le sporophore. Cet organe « porteur de spores » assure la reproduction par spores du champignon lui-même, qui est formé d’un fin réseau souterrain de cellules microscopiques, le mycélium.
Comme ceux de nombreuses autres espèces de champignons, les mycéliums des bolets forment des mycorhizes sur les racines d’arbres avec lesquels ils vivent en symbiose : les bolets sont des champignons exclusivement forestiers.
Un bolet est formé d’un « pied » surmonté, comme par un parapluie, d’un « chapeau ». Sous le chapeau, la surface fertile (qu’il est inexact de qualifier de « mousse ») est formée de fins tubes juxtaposés, s’ouvrant par des pores. Certaines espèces bleuissent au toucher ou à la coupe, d’autres non.
Généralement, le jeune chapeau est arrondi puis il s’aplatit avec l’âge. Selon les espèces, il est lisse à velouté, brillant ou mat, sec ou visqueux. Sa couleur dominante peut être le brun, le brun rouge, le brun roux, le brun orangé, l’orangé, parfois le jaune, le rose ou le pourpre.
Selon les espèces, la surface fertile est initialement de couleur blanc cassé, jaune, orangée ou rouge, ensuite garde sa couleur d’origine ou devient verdâtre avec l’âge. Le pied est plus ou moins charnu, de forme cylindrique ou en fuseau, parfois très épais. Il peut être nu ou couvert de fibrilles, de mèches ou d’un réseau à mailles hexagonales plus ou moins étirées, ou encore porter un anneau à son sommet. A la coupe ou à la blessure, la chair peut s’oxyder et bleuir (ou se nuancer d’autres couleurs), ce qui n’est pas un signe de toxicité. Autant de caractères à observer pour déterminer les espèces.
La comestibilité des bolets
Une idée très répandue voudrait que tous les bolets, à l’exception du bolet Satan, soient de bons comestibles. Cette opinion simplifie trop les choses, même si aucun des bolets toxiques ne peut être considéré comme mortel par lui-même.
D’après les informations transmises par les Centres Anti-Poisons, seulement une espèce de bolet sur cinq peut être considérée comme « comestible ». Ces espèces, dont les cèpes, sont appréciées pour leurs qualités gustatives, et ce qui ne veut pas dire qu’elles soient toujours bien supportées par tous les consommateurs.
Logiquement, environ quatre espèces de bolets sur cinq sont à rejeter pour des raisons diverses : goût ou consistance désagréable, toxicité plus ou moins prononcée, du simple dérangement gastro-intestinal à des cas plus graves demandant une hospitalisation.
Les bolets considérés comme comestibles mais Attention !
Même les cèpes, réputés pour leur comestibilité, ne doivent être consommés ni trop souvent, ni en trop grande quantité. Evitez aussi de les manger crus, si ce n’est très occasionnellement et en faible quantité : ils peuvent être fortement laxatifs !
Les cèpes
- Le Cèpe de Bordeaux - Boletus edulis- se rencontre dans toute l’Europe. C’est une espèce d’automne, qui ne se développe guère avant septembre. La surface de son chapeau – la cuticule - est d’un brun caractéristique, habituellement plus clair vers la marge. Sa chair est ferme et blanche, juste teintée de brun-rosé sous la cuticule. Au cours de la croissance, les tubes sont initialement blanc-cassé, puis jaunes, enfin verts. Le pied est beige, et porte juste à son sommet un très discret réseau blanc. Le Cèpe de Bordeaux est l’un des champignons les plus recherchés en France et en Europe centrale, mais totalement délaissé dans les pays nordiques.
- Le Cèpe d’été - Boletus aestivalis - se rencontre lui aussi dans toute l’Europe. On le trouvera dans le midi de la France dès la fin mai, sur les versants exposés au sud-est vite réchauffés le matin, et jusqu’en septembre. Il est plus tardif lorsqu’on va vers le nord. Très semblable au Cèpe de Bordeaux, il s’en distingue par le réseau blanc qui couvre tout son pied, et sa chair bien blanche, même sous la cuticule. Il se consomme rapidement après récolte : ses protéines se dégradent rapidement, et les conserves, même correctement stérilisées, peuvent être rapidement avariées.
- Le Cèpe des pins - Boletus pinophilus - est une espèce sud-européenne. On le trouvera en automne dans le Midi de la France, au-dessus de 500m à 600 m d’altitude, dans les bois de pins et dans les hêtraies, sur terrain siliceux. Il est reconnaissable à son chapeau couleur de cuir roux, habituellement ridé-fripé, à marge pruineuse blanche.
- Le Cèpe bronzé - Boletus aereus - est lui aussi une espèce sud-européenne. Plus thermophile que le Cèpe des pins, il se trouvera à moindre altitude, sur sols siliceux bien drainés et se réchauffant rapidement. Cette espèce méridionale est estivale : dans le sud de la France, elle se développe de juillet à septembre, le plus souvent après une forte pluie orageuse, dans les bois de chênes et de châtaigniers. Le chapeau du cèpe bronzé est brun foncé, avec souvent des zones plus claires, ou nuancées de vieux bronze ou d’olivâtre.
Les autres bolets considérés comme comestibles
Sous réserve qu’ils soient bien de l’espèce recherchée, et de ne pas avoir d’intolérances, on peut consommer, bien cuits, le Bolet à pied rouge - Boletus erythropus - et le Bolet bai - Boletus badius anciennement Xerocomus badius-, le Bolet jaune - ou « nonette voilée », Suillus luteus -, le Bolet orangé des chênes - Leccinum aurantiacum - , et quelques rares autres espèces.
- Le Bolet à pied rouge se reconnaît à son pied sans réseau, finement velouté de rouge, et à son chapeau sec et velouté, brun foncé parfois teinté d’olivâtre. Sa chair très ferme bleuit à la coupe, mais devient jaune doré à la cuisson. Attention, il est toxique cru !
- Le Bolet bai se reconnaît à son chapeau couleur de châtaigne, à ses tubes jaunes puis presque vert olive, à pores de grande taille, et à son pied cylindrique brun, souvent un peu tortueux. Sa chair bleuit à la coupe. On ne consomme habituellement que son chapeau, le pied étant très fibreux. Attention, il est lui aussi toxique cru !
- Le Bolet jaune, ou nonette voilée, ne se rencontre que sous les pins. Son chapeau porte une pellicule visqueuse facilement détachable et son pied port un anneau blanc-violacé. Il ne bleuit pas à la coupe. La pellicule du chapeau, indigeste, doit être retirée avant cuisson.
- Le Bolet orangé des chênes est du groupe des « bolets rudes », à cause de son pied qualifié de « raboteux », long et très fibreux, couvert de mèches rousses. Seul son chapeau orangé est habituellement consommé. Le noircissement à la cuisson n’indique pas une toxicité.
Les bolets à rejeter, non comestibles ou toxiques
Nombre de bolets, sans être franchement toxiques, peuvent être indigestes ou de qualité gustative médiocre. Certains n’ont aucun goût, si ce n’est celui de la persillade, et leur consistance est souvent molle et flasque, voire gluante. D’autres au contraire ont un goût très prononcé : fortement poivré pour le Bolet poivré - Calciporus piperatus -, violente amertume pour le Bolet de fiel - Tylopilus felleus - et pour le Bolet à beau pied - Boletus calopus -.
Certaines espèces sont régulièrement toxiques, et provoquent des intoxications de type gastro-intestinal plus ou moins violentes.
Le plus connu est le Bolet Satan - Boletus satanas -, champignon thermophile, lié aux terrains calcaires, faiblement bleuissant au toucher et à la coupe, d’odeur nauséeuse. C’est un champignon massif, qui se reconnaît à son chapeau de forme arrondie et de couleur blanc sale, à ses tubes fins, courts et serrés, aux pores rouge-orangé nuancé d’orange ou de jaune près de la marge du chapeau. Son pied, en tonneau ventru, porte un fin réseau de couleur rouge sang au centre, passant habituellement à l’orangé puis au jaune vers son sommet et vers sa base. Au moins une douzaine d’espèces proches, plus rares, présentent la même toxicité. Tous bleuissent immédiatement au toucher et à la coupe, mais ce bleuissement peut s’estomper rapidement : le Bolet radicant - Boletus radicans- , au chapeau presque blanc, et autres bolets aux teinte vives, jaunes ou pourpres - Boletus rhodopurpureus, Boletus rhodoxantus, etc-. La plupart de ces bolets sont nettement plus toxiques crus que cuits.
Plusieurs espèces, anciennement considérées comme comestibles, ont changé de statut : même si elles sont localement consommées occasionnellement et données comme comestibles, elles peuvent causer des intoxications aléatoires, parfois violentes. Parmi ces espèces : le Bolet blafard - Boletus luridus-, le Bolet châtain - Gyroporus castaneus -, le Bolet granulé - Suillus granulatus, systématiquement toxique dans le sud-est de la France- , le Bolet de Quélet - Boletus queletii-, etc.
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