Reboiser l'île de Florès pour assurer un avenir commun
Au coeur de l’Indonésie, plus grand archipel du monde, et à la lisière du parc national de Komodo, l’île de Florès abrite un peu moins de 2 millions d’habitants. Ces populations autochtones dépendent de leur environnement pour vivre d’une agriculture de plus en plus prédatrice en ressources naturelles.
Décryptage par Micke Science
Notre partenaire Coeur de Forêt a décidé de restaurer les écosystèmes précieux de l'île et d'accompagner les populations autochtones vers une agroécologie plus durable. Ainsi, elle mène un triple projet de reforestation, de constitution de filières éthiques et de sensibilisation des populations aux vertus des plantes médicinales.
Une forêt qui part en fumée...
Sur les pentes de ses volcans endormis, l’île de Florès cultive l’une des seules forêts tropicales sèches au monde. Couvrant à peine 2% de la surface de la planète, ces écosystèmes uniques sont menacés à plus d’un titre. Sur Florès comme dans la plupart des autres géographies, c’est l’agriculture qui représente le risque le plus important. Pour défricher toujours plus de terres et laisser la place aux cultures, les fermiers déclenchent des brûlis souvent peu maîtrisés et qui peuvent faire partir des hectares de forêt en fumée en quelques heures à peine. Pour transformer cette fatalité en avenir durable, Cœur de Forêt a choisi de s’attaquer aux causes de la déforestation, en élargissant l’éventail des solutions économiques pour les populations et en instaurant de nouveaux rapports à l’environnement.
Diagnostic de la biodiversité et des pratiques agraires sur l'île de Florès
Pour mieux comprendre le rapport des exploitants à leur environnement et leurs besoins, afin de leur proposer des solutions adaptées, un diagnostic de la biodiversité et des pratiques ancestrales de l'île était indispensable.
La première étape d’un diagnostic forestier en 2022 a permis de mettre en évidence la présence de 350 espèces végétales dont certaines jamais observées sur l’île (Morinda coreia, Lipoblepharis urticifolia et Marsdenia tinctoria), et d’autres classées en danger critique d’extinction par l’UICN (Pterocarpus indicus). Plus inquiétant, l’étude a aussi révélé l’absence ou la disparition accélérée d’espèces endémiques comme le bois de oud (Gyrinops versteegii) ou le cannelier indonésien (Cinnamomum burmanni), tous deux victimes de la surexploitation.
Plus tard, un diagnostic agraire lancé en 2023 a mis en évidence les systèmes de travail et pratiques agropastorales.
Agroforesterie et plantes médicinales : pour de meilleures conditions de vie
Pour endiguer l’érosion de biodiversité, restaurer les écosystèmes et développer les moyens de subsistance des communautés florésiennes, Cœur de Forêt a mis l’accent sur la reforestation, le développement de l’agroforesterie et de cultures génératrices de revenus.
Préserver les écosystèmes forestiers et la biodiversité : 12 000 nouveaux arbres plantés
Klorane Botanical Fondation s'associe aux efforts de Coeur de Forêt pour reboiser les parcelles et créer de nouvelles productions. Dans un premier temps, il s'agit de planter 12 000 arbres de restauration et de protection des milieux humides d'ici trois ans. Ces plantations agroécologiques, couvrant au moins 1 hectare et comprenant au moins 10 espèces différentes, permettront de favoriser l'équilibre de l'écosystème grâce à l'association de nombreuses variétés de cultures.
L'agroforesterie consiste en la cohabitation mutuellement bénéfique de plantations d'arbres et d'exploitations agricoles sur des parcelles communes.
Les espèces d'arbres choisies sont sélectionnées notamment pour leur capacité à protéger les ressources en eau ou à résister au feu (Piliostigma malabaricum, Cassia fistula, Istonia scholaris, Lannea coromandelica et Gliricida sepium). Ces arbres favorisent le maintien de la biodiversité nécessaire à la protection et au développement des cultures. Ils jouent aussi un rôle important dans le bon état du cycle de l'eau, aident à fixer les sols et à en améliorer la fertilité.
Développer de nouvelles filières d'activité génératrices de revenus grâce à l'introduction de cultures de plantes médicinales
Pour diversifier leurs sources de revenus, les exploitations agricoles familiales sont aussi accompagnées dans leur évolution vers l'agroécologie grâce à l'introduction de cultures de plantes médicinales comme la vanille, le patchouli, ou le galanga. Imaginés conjointement avec les producteurs et exploitants, ces nouveaux débouchés permettront de développer des filières locales éthiques assurant à la fois le devenir des communautés et la préservation de la biodiversité.
De nouvelles perspectives de revenus avec la culture durable du Galanga
Pour que la forêt perdure dans le temps, l'une des clefs est de pouvoir en vivre. Car si l’on en vit, on est alors appelés à la faire grandir et prospérer plutôt qu'à déboiser pour la remplacer par des espaces dédiés à d'autres activités. C'est là une étape clef du programme : étudier le développement d’une nouvelle filière d'activité, liée à la culture de l'Alpinia Galanga.
Avec une production et une utilisation durable de cette ressource encore inexploitée sur l'île, c'est toute une activité économique qui devient possible. Et avec elle, de nouveaux revenus, mais aussi de nouvelles perspectives pour les nouvelles générations qui pourront y trouver de belles possibilités pour rester vivre sur l'île, sans devoir la quitter.
Focus sur l'Alpinia galanga
L'Indonésie est connue pour sa large offre d'épices : poivres, clou de girofle, noix de muscade, gingembre, ... Cette vaste famille de plantes (les Zingibéracées) comprend une grande diversité d'espèces aux rhizomes aromatiques, dont celui du Galanga (Alpinia galanga). Le rhizome a de susages à la fois culinaires (pour aromatiser les plats de viande ou de poisson) et médicinaux (tonifiant, anti-inflammatoire et antimicrobien).
Sensibiliser les populations villageoises et les écoles pour un avenir plus durable
L'avenir de l'île repose également sur les enfants d'aujourd'hui. Quoi de plus beau que de leur transmettre le goût de la protection de la biodiversité dès le plus jeune âge ? Le programme sur l'île de Florès offre à 120 élèves l'opportunité de participer à des ateliers organisés par l'association Puge Figo, antenne locale de Coeur de Forêt.
Pour ancrer cette démarche, la sensibilisation débute dès l'enfance avec la réalisation de 200 herbiers et de supports pédagogiques. Elle se poursuit ensuite auprès des adultes grâce aux restitutions sur les diagnostics forestiers et agraires menés par l'antenne locale, assurant ainsi une précise transmission des savoirs.
En outre, les anciens de l'île de florès jouent un rôle crucial dans la transmission des connaissances sur les plantes médicinales. Par exemple, le village de Maladhawi abrite un jardin-forêt où sont cultivées diverses plantes médicinales. Parmi celle-ci, on trouve le Wakatere, un arbre dont l'écorce est utilisée pour des soins post-partum afin de revigorer et booster l'immunité. Le Poivrier Sauvage (Pipper retrofractum) est également utilisé pour des décoctions post-partum. Enfin le Zingiber Cassumunar, une variété de gingembre, est employé pour traiter la fièvre et les maux de tête infantiles. Ces savoirs traditionnels enrichissent le programme de la sensibilisation et renforcent l'importance de la biodiversité et des pratiques médicinales locales.
Nous travaillons depuis près de 10 ans avec les communautés de l’île de Florès pour leur permettre d’assurer leur subsistance tout en renforçant les liens ancestraux avec leur environnement. L’écoute, l’accompagnement et la valorisation des pratiques sont des piliers clés de notre approche et garantissent l’impact dans le temps de notre démarche
Partenaire
Depuis 2015, Cœur de Forêt agit pour la justice environnementale et sociale en refondant l’équilibre précieux entre forêts et humains. En France, Indonésie, Bolivie ou à Madagascar, elle travaille main dans la main avec les communautés locales, déploie des solutions de gestion durable des écosystèmes agricoles et forestiers, et initie des démarches pédagogiques et participatives pour redonner aux humains le pouvoir d’agir et préserver leur environnement.