Les champignons comestibles
On les consomme depuis longtemps, chaque terroir a ses recettes, on aime les déguster comme on aime aller les cueillir… le point sur les champignons comestibles.
Qu’est-ce qu’un champignon comestible ?
Un champignon ne peut être considéré comme comestible que s’il est consommé régulièrement, sans provoquer d’intoxication, par un très grand nombre de personnes.
Aucun champignon n’est comestible sans condition. Les intoxications fongiques sont liées tout autant aux toxines produites ou absorbées par les champignons eux-mêmes qu’au mode de préparation culinaire (dans leur quasi-totalité, les champignons ne sont comestibles que bien cuits) et à la sensibilité individuelle de chaque consommateur, déterminante dans les intoxications avec effet de seuil.
Au vu des connaissances actuelles, pour la France métropolitaine, le nombre d’espèces consommables sans trop de problèmes ne dépasse pas la cinquantaine. Par rapport aux 16000 espèces recensées par la Société Mycologique de France, cela fait au plus 0,3 % des espèces. Certes certaines de ces 16000 espèces, de taille minuscule, ne sont pas récoltables en quantité suffisante pour être consommées, ainsi nous ne savons rien de leur comestibilité. Si l’on considère les 5000 à 6000 espèces de France métropolitaine qui pourraient être de taille et d’abondance suffisantes que nous pourrions être tentés de récolter, on obtient au plus 1% d’espèces pouvant être catégorisées comme comestibles.
Il y a aussi des champignons comestibles parmi les levures ou les moisissures. Penicillium roqueforti et Penicillium camemberti donnent tout leur caractère et toute leur saveur au fromage de Roquefort et au camembert. Différentes souches de Mucor donnent leur croûte grise et leur saveur particulière à la tome de Savoie et au Saint-Nectaire. Saccharomyces ceresiviae assure aussi bien la fermentation alcoolique (sous le nom de levure de bière) que la levée de la pâte à pain (sous le nom de levure du boulanger).
Microscopiques ou visibles, comestibles ou non, usages et dangers… Retrouvez tout sur le monde des champignons
Mais, question goût, tout est relatif ! Certaines personnes trouvent très désagréables le parfum et le goût de la truffe noire du Périgord… mais se régaleront d’autres espèces habituellement jugées immangeables - voire mal supportées - par d’autres. Une partie des espèces habituellement rejetées pour leur faible valeur gastronomique - car elles ont un goût, une odeur, une saveur ou une consistance que la plupart des personnes jugent désagréables - sont à priori non toxiques. A l’inverse, les champignons qui ont une bonne saveur, une bonne odeur et une consistance agréable sont loin d’être tous comestibles ! D’après les personnes qui en ont consommé, la mortelle Amanite phalloïde a le même goût délicieux que l’Oronge ou « Amanite des Césars »
Comestibles ? Pas toujours…
Pour compliquer les choses, un champignon peut n’être comestible qu’à certaines conditions, ou devenir impropre à la consommation pour différentes raisons. Sans risquer forcément une intoxication mortelle, on risque souvent l’indigestion ! Tous les champignons, même parmi les comestibles les plus réputés, peuvent être toxiques ou indigestes :
Le shiitaké (Lentinula edodes), espèce asiatique parée de nombreuses vertus, actuellement cultivée et consommée dans le monde entier, provoque des dermatites sévères lorsqu’il est consommé cru.
Les morilles (genre Morchella, toutes les espèces) ne sont comestibles qu’après séchage ou cuisson.
Le bolet à pied rouge (Boletus erythropus) et l’amanite rougissante (Amanita rubescens) sont également toxiques crus. Attention à ne pas généraliser, la cuisson ne détruit pas toutes les toxines : celles de l’amanite phalloïde conservent toute leur toxicité, quelle que soit la durée de cuisson !
Les parois des cellules de champignons ne sont pas constituées de cellulose, mais de chitine, qui peut provoquer des allergies. Les champignons contiennent des sucres particuliers, tréhalose et mannitol, qui peuvent provoquer des intolérances alimentaires (comme le gluten du blé et le lactose du lait de vache), car une partie de la population n’a pas les enzymes qui permettent leur digestion.
Les champignons contiennent de nombreuses molécules de défense, dont des antibiotiques, qui protègent le sporophore d’une dégradation trop précoce, et qui peuvent causer des allergies violentes. Ces antibiotiques permettent au Clitocybe nébuleux (Clitocybe nebularis) la famille des clitocybes, et à l’Armillaire couleur de miel (Armillaria mellea) de conserver, pendant une semaine ou deux, un aspect trompeur de fausse fraîcheur. Ces deux espèces ne doivent plus être considérées comme comestibles.
Bien qu’il n’ait jamais été prouvé que l’on puisse s’empoisonner en touchant un champignon toxique, ou que celui-ci puisse contaminer un champignon comestible par simple contact, ne mettez pas tous vos champignons dans le même panier ! Pour éviter de laisser un dangereux toxique parmi les champignons que vous consommerez, prenez deux paniers : un pour les champignons comestibles, un autre pour ceux que vous souhaitez seulement déterminer. N’oubliez pas, avant de passer en cuisine, de contrôler un à un tous les champignons du premier …
Sans polluants extérieurs, même les meilleurs comestibles peuvent devenirs toxiques en quelques heures, lorsqu’ils ont été enfermés et à moitié écrasés dans un sac en plastique ou dans des boites fermées. Ils fermentent très vite, devenant rapidement inconsommables. Ne laissez pas attendre un champignon comestible : toujours cueilli bien frais et bien ferme, il doit être cuisiné rapidement après récolte.
Les champignons sont de véritables éponges. Leurs sporophores se développent rapidement, en aspirant dans leur milieu nourricier une grande quantité d’eau … et la plupart des molécules qu’elle contient. Ainsi, ils peuvent concentrer de fortes doses de polluants chimiques et de métaux lourds. Au bord des routes, près des grands axes de circulation, en ville, ils captent les gaz d’échappements. Depuis 1920 et jusqu’en 2000, les carburants contenaient des sels de plomb, qui se sont accumulés et sont toujours présents sur les talus des bords de routes.
Les champignons contiennent des protéines spécifiques, plus ou moins digestes. Dès que le sporophore vieillit, ces protéines se dégradent rapidement pour donner des « cadavérines» toxiques. Ce seul nom en dit suffisamment long : seuls des animaux adaptés à un régime alimentaire nécrophage se nourrissent d’autres animaux morts.
Dans les champs, les prairies, les vignobles et à leur voisinage, les champignons concentrent les produits phytosanitaires utilisés pour les cultures. Ils concentrent également les éléments radioactifs, plus particulièrement le Césium. Dans certaines régions de France, les cèpes, les girolles, les trompettes des morts et autres champignons de consommation courante affichent encore de forts taux de radioactivité, en particulier depuis la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986. Consommer ces champignons en trop grande quantité est dangereux.
De la comestibilité à la toxicité, les connaissances sur la toxicité évoluent
Au même titre que les morilles, le mal nommé Gyromitre « délicieux » (Gyromitra esculenta) était réputé comme étant un excellent comestible, à condition de le consommer bien cuit ou après séchage. On sait, depuis les années 1960 qu’il est aléatoirement mortel : les toxines mortelles qu’il produit, à concentrations fortement variables dans les spécimens d’une même récolte, ne sont pas toutes détruites à la cuisson ou au séchage.
Depuis quelques dizaines d’années, il a été mis en évidence que plusieurs espèces autrefois considérées comme bons et comestibles étaient responsables d’intoxications avec « effet de seuil ». La consommation de trop est fatale ! Les espèces mortelles en cause sont le Paxille enroulé (Paxillus involutus) et les tricholomes du groupe du Tricholome équestre (Trichloma equestre). Chez le Paxille enroulé, l’intoxication est liée à des réactions allergiques violentes, imprévisibles tant qu’on n’a pas atteint le seuil individuel de déclenchement. Le Tricholome équestre avait une réputation d’excellent comestible … jusqu’à 2005, où il a été interdit à la vente par arrêté ministériel. Il avait probablement provoqué, par le passé, des décès qui ne lui avaient pas été attribués, car les symptômes de l’intoxication, à la différence des symptômes habituels des autres d’intoxications fongiques, sont musculaires et relativement tardifs.
Ces quelques exemples illustrent la relativité de la notion de comestibilité d’un champignon : une éventuelle toxicité ne peut être mise en évidence qu’à la suite d’intoxications dont les causes ont pu être précisées.
Quels champignons peut-on consommer sans risque particulier ?
Avec l’acquisition d’une meilleure connaissance des champignons, la liste des espèces comestibles s’est considérablement réduite.
La plus grande prudence est de rigueur, et il convient de ne consommer que les quelques espèces traditionnellement renommées pour leurs qualités gastronomiques, et dont la comestibilité (d’après les connaissances actuelles) semble bien établie : Quels sont les meilleurs champignons comestibles ?
On trouvera essentiellement ces espèces parmi les Agarics, les Amanites, les Bolets, les Chanterelles , les Hydnes, les Lactaires, les Lépiotes, les Morilles, les Pleurotes, les Truffes.
Attention cependant : consommer une même espèce (même des cèpes) en trop grande quantité et de manière répétée conduit habituellement, et au minimum, à des désagréments d’ordre digestif. Tout dépend de la sensibilité de chacun …
Le nombre d’espèces actuellement considérées comme comestibles parmi les Clitocybes, les Hygrophores, les Tricholomes, les Lactaires et les Russules a considérablement diminué. Des familles entières sont toxiques ou à rejeter : les Cortinaires, les Inocybes, les Mycènes, les Plutées, les Hébélomes, les Pholiotes (la « Pholiote du peuplier » n’est pas une vraie pholiote), etc.